“Radio Hype Cycle 2020” : les technologies et usages autour de la radio en 2020

Anthony Gourraud
6 min readAug 29, 2020
Une analyse (subjective) des usages et tendances technologiques en 2020 autour de la radio, sur le modèle du “Hype Cycle” de l’institut Gartner

L’institut Gartner est connu pour ses études sur les évolutions des technologies, représentées au moyen de graphiques en “Hype Cycle” (ici un exemple appliqué au Marketing numérique pour 2020).

Chaque année, à la fin du mois d’août, je m’inspire de leur modèle et le transpose pour une analyse sur le secteur radiophonique (la version 2019 est à retrouver ici)

Cet article et le schéma d’illustration n’ont aucun lien avec Gartner, et ne sont que des inspirations approximatives des travaux de l’institut.

Diffusée en flux continu comme en podcast, la radio a toujours de beaux jours devant elle

Historiquement, une station de radio existe par le fait qu’elle diffuse ses programmes via une antenne.
Le broadcast (diffusion du même flux, à chaque instant et à tous) n’est cependant plus ce qui caractérise uniquement la radio. L’écoute à la demande se généralise.
Les auditeurs ne font plus spécialement la différence entre une émission qu’ils écoutent en linéaire ou en podcast. En revanche, les fondamentaux garantissant le succès restent les mêmes : l’objectif d’un média est d’atteindre et ravir son audience. Qu’importe les modes de diffusion, les mécaniques de positionnement de marque et les standards de qualité — de production sonore comme d’écriture — subsistent sans surprise dans le temps.

Retour en grâce des logiques de centralisation numérique, pour les contenus comme pour la diffusion

Ce qui existe en version audio a tout intérêt a avoir une déclinaison texte et/ou vidéo. Suivre la logique du “média global”, c’est adapter son contenu en fonction des canaux de diffusion et des contextes de consommation. C’est la logique que semble par exemple suivre franceinfo, et c’est une stratégie appliquée depuis longtemps par le groupe NextRadioTV avec RMC, BFM et BFM Business.
La radio filmée n’a pas d’intérêts ; en revanche, des images d’illustration et des bandeaux d’informations complémentaires s’avèrent pertinents et profitables pour le média. Cela s’explique par le fait que le Web reste très visuel, sans oublier que la visibilité (référencement par SEO, …) est plus optimale avec des articles.
Mais l’accessibilité passe aussi par une offre simple et unifiée à destination des auditeurs. Les acteurs du secteur n’ont pas su se regrouper à temps pour proposer, ensemble, une technologie commune, bénéfique pour toutes les parties prenantes. Des agrégateurs comme TuneIn en ont profité pour ainsi devenir des intermédiaires indispensables, et les éditeurs ont ainsi perdu une partie du contrôle sur leurs diffusions. Heureusement, petit à petit, les radios comprennent à quel point il est important de reprendre le contrôle, à l’image de Radioplayer. Plusieurs groupes de radios françaises ont d’ailleurs annoncé en juillet 2020 lancer une plateforme commune.

L’IA n’est toujours pas à la hauteur de l’humain, et les applications vocales ne rencontrent pas le succès escompté

Il existe de plus en plus d’outils qui permettent de créer des médias s’affranchissant au maximum du travail humain. Resoundly permet de créer un podcast uniquement avec du texte (sans rien enregistrer à la voix, grâce au “Text-To-Speech”) par exemple. Mais malgré les améliorations impressionnantes sur la génération de voix artificielles, notamment la technologie Overdub de Descript, ce qui est généré par IA reste de qualité médiocre. Même si les algorithmes sont de plus en plus puissants, les recommandations et playlists personnalisées sur les plateformes de streaming déçoivent toujours autant.
Notons cependant que les premiers retours sur le modèle de langage GPT-3 pourraient nous faire penser que les choses vont changer. Mais la chaleur humaine n’est pas (encore ?) modélisable…
La retranscription automatique à partir d’un texte n’est jamais pertinente ; nous ne parlons pas comme nous écrivons. Google prévoit pourtant la prise en charge d’une donnée structurée nommée “Speakable”, prévue pour qu’un assistant vocal dicte une partie spécifiée d’une page web.
Les interactions vocales globalement peinent à s’avérer utiles et pertinentes au quotidien. Les applications vocales tierces (“skills” Alexa / “actions” Google) sont trop peu ergonomiques. Amazon a réagi, et annoncé fin juillet 2020 de nombreuses fonctionnalités pour améliorer l’expérience utilisateur (et développeur). Ainsi, avec Alexa, il y aura par exemple de nouvelles possibilités en audio avec APL for Audio. Et avec Quick Links, une skill pourra être lancée depuis un site web ou un post sur les réseaux sociaux. Mais peu de chances que cela fasse vraiment démocratiser l’usage sur ces canaux.
Les logiques “flash briefings”, à savoir les enchaînements de contenus audio (principalement des bulletins d’informations issus de radios) ont du potentiel, car ici la voix permet de simplifier le concept de radio personnalisée. Mais les statistiques d’écoute ne sont pas encore encourageantes pour le moment ; la faute sûrement à des assistants vocaux beaucoup trop fermés, beaucoup trop mauvais pour être utilisés. Des outils comme Alan, permettant d’intégrer facilement des briques d’interactions vocales sur n’importe quelle application ou site web, pourraient plus tard changer la donne.
Côté monétisation, Pandora teste les publicités audio et activables par la voix sur son application (technologie Instreamatic). Ce format me semble encore trop intrusif pour l’auditeur.

Une tendance excessive à vouloir transposer les réussites du print et de la vidéo à l’audio

Combien d’applications de podcasts se sont lancées en promettant une meilleure découvrabilité au moyen de composantes sociales ? Beaucoup. Toutes sans succès au final. Et pourtant il y a toujours autant de projets en cours voulant répliquer en audio ce qui fonctionne sur Internet : nouveaux réseaux sociaux vocaux, “Netflix du podcast”, etc.
Difficile de comprendre l’engouement autour d’applications comme ClubHouse (application de conversations exclusivement sonores)… Mais pourtant les investisseurs, comme la presse, s’emballent un peu trop ces derniers temps sur ces sujets. Les réalités économiques et aussi les limites d’usage se feront très rapidement sentir. Utiliser sa voix, c’est pratique, mais tout par le son, non, c’est galère !
Les producteurs de contenus ont cependant peut-être raison de s’intéresser aux réussites de la presse sur Internet avec des modèles sur abonnements payants. Certains professionnels s’extasient devant les réussites chinoises sur ce plan, mais d’autres n’imaginent pas faire payer les auditeurs pour des contenus dont ils ont l’habitude d’avoir gratuitement. Je suis partisan d’un abonnement unique et global, rémunérant les producteurs proportionnellement aux temps d’écoute de l’auditeur. C’est ce que cherche à proposer Podhero. Pour ma part, je suis plutôt séduit par les idées derrière WebMonetization.
Cependant, les investissements actuels se concentrent plutôt déraisonnablement vers des plateformes fermées regroupant des contenus en exclusivités. Des “walled garden” à l’image de Spotify, Luminary, Sybel, et cie. Désespérant !

L’avenir de la radio pourrait passer par des technologies de décentralisation

Les technologies de bases de données distribuées comme celles d’une blockchain auront très certainement des applications dans beaucoup de domaines en dehors de la finance. Diffuser sans serveur cloud des médias via le protocole IPFS, gérer les droits d’auteur et rémunérations automatiques via WebMonetization, et pleins d’autres possibilités à imaginer !
Nous pourrions aussi disposer plus tard d’émissions à composer soit même ; c’est l’idée de l’Object Based Media, à savoir pouvoir paramétrer chaque élément composant un contenu radio : ambiance sonore, qualité, son 3D, etc. Ainsi, nous n’écouterions plus un unique MP3, mais un ensemble de pistes qui s’assembleraient selon nos désirs. Ce projet est toujours au stade de R&D du côté de la BBC.

Podcast “Des Ondes Vocast“

Cet article est un contenu Des Ondes Vocast Premium, en complément du podcast Des Ondes Vocast.

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Anthony Gourraud

DevRel @OKP4 — Blockchain engineer. Prev: Innovation media (radio/podcast) @Mediameeting & @DesOndesVocast