“Radio Hype Cycle 2019” : les technologies et usages autour de la radio en 2019
À chaque fin d’été, j’adore analyser le traditionnel graphique de l’institut Gartner, le “Hype Cycle for Emerging Technologies”, qui est une représentation graphique publiée et mise à jour chaque année, permettant de suivre la maturité et le potentiel futur de technologies émergentes (ici le graphe de 2019).
En août 2018, j’avais créé un modèle utilisant le même type de représentation, mais appliqué au secteur radiophonique (à retrouver ici).
J’ai décidé d’actualiser cette analyse pour 2019.
Même si, comparé à l’année dernière, peu de choses ont changé, il y a quelques évolutions à noter.
Cette analyse n’a aucun lien avec Gartner. Par ailleurs, pour simplifier, je n’applique pas à la lettre les méthodes de l’institut.
La FM résiste encore
La radio en linéaire est toujours l’usage le plus courant, sûrement dû aux équipements qui se renouvellent très doucement, notamment dans les automobiles.
Les “enceintes intelligentes” et voitures connectées sont encore en très faible nombre, d’où l’écoute en FM toujours aussi importante.
Et cela va rester ainsi pendant combien de temps ? Est-ce que les auditeurs continueront d’écouter un média en flux, et en DAB+ particulièrement ? Impossible de prédire l’avenir, mais il paraît nécessaire d’étudier la maturité des sujets innovants autour de la radio.
Podcasting & média global : le renouveau de la radio
Grâce à l’IP, les radios et webradios peuvent être écoutées sur de nombreux supports. Mais le web apporte surtout la possibilité de consommer la radio “à la demande” (podcasting). Après plusieurs années où l’usage était anecdotique, aujourd’hui l’écoute des podcasts se démocratise.
Il y a cependant une volonté de s’éloigner des codes de la radio, notamment avec des formats sur le modèle de la “série audio”. Les écritures propres à la radio sont très bonnes, pourquoi s’enfoncer dans une norme de ce que devrait être “un podcast natif” ? Ce terme “podcast natif” n’a d’ailleurs pas de sens selon moi ! Non, un podcast ne doit pas forcément inclure de l’immersif, des entretiens “inspirants” ou des histoires racontées à la première personne. Ce qui importe, c’est la qualité du contenu, sa capacité à engager une audience.
Cette tendance à l’uniformisation des programmes dans ses thématiques et ses typologies de production pourraient freiner le développement du podcast. Le “replay radio” — comme certains l’appellent — n’est pas une honte, un vieil oncle gênant, mais une force pour le secteur du podcast comme pour les acteurs traditionnels en radio.
Le podcasting est l’opportunité pour les radios de se concentrer sur des contenus forts et bien mis en valeur, au lieu de s’obstiner à alimenter une antenne 24h/24-7j/7 avec des programmes faiblement exploités.
Deux exemples remarquables pour cette rentrée : côté Europe 1, Hondelatte Raconte est en podcast dès 6h alors que sa diffusion est à 14h ; pour France Culture notons que l’intégralité des épisodes de LSD de la semaine est disponible en podcast dès le lundi.
La radio n’est plus un simple flux audio broadcast. En plus des podcasts, les stations continuent de tendre vers le concept de média global.
Les évolutions sont encore assez timides — pas de changements notables en un an — , même si la plupart des radios ont une réelle présence sur l’actualité en ligne.
Les références en la matière : Altice (“RMC, la radio qui veut devenir 100% TV”) et Radio France (franceinfo, accélère les synergies TV-radio et Mouv sur Twitch à 20h).
A surveiller cette année si les aspects de média global ne seront pas plus accentués du côté du groupe M6, suite au rapprochement avec RTL Group.
Côté plateformes, Netflix réalise des podcasts, et n’écarte pas la possibilité de décliner une offre de podcasts au sein même de sa plateforme.
Mais dans un contexte de média global, je constate que souvent les écritures s’articulent trop sur l’image, et les versions radios deviennent limitées. Les émissions de Cauet, par exemple, doivent parfois être regardées sur Youtube plutôt qu’écoutées sur NRJ, au risque de louper des parties intéressantes du show proposé.
L’IA déçoit, l’humain est encore le meilleur prescripteur
Au delà du concept de média global, certains acteurs veulent être présents sur un maximum de plateformes, sous de nombreuses formes. La curation de playlists par les radios sur les plateformes est un concept émergeant. Le dernier exemple en date : trois playlists musicales de Fun Radio mises en avant avec la marque “Party Fun”. Les radios mettront très certainement en avant leurs productions en créant des playlists de podcasts sur Spotify et autres.
A voir si la puissance d’une marque joue un rôle sur ces plateformes… Mais pour l’instant on ne voit pas comment cela pourrait générer des revenus considérables.
Spotify a investi massivement en 2019 sur le créneau des podcasts. La plateforme teste également la fonctionnalité “Daily Drive Mix”, de véritables smart radios (des listes de lecture personnalisées auto- générées) mélangeant flashs infos et musiques. Mais jusqu’ici, les playlists dopées à l’IA restent décevantes. Les plateformes de streaming musical préfèrent mettre en avant des listes de programmes réalisées par des humains et non par des IA.
A voir ce que donnera la mise à jour de l’application Radio France, qui devrait être déployée cet automne 2019. Selon la conférence de rentrée 2019 de Radio France, l’application devrait fournir des possibilités de radio à la carte, générant des flux personnalisés à partir des contenus du service public (voir peut-être même des podcasts d’autres maisons de production !).
Les assistants vocaux pourraient être idéalement couplés aux smart radios, mais ces derniers mois le grand public a été déçu et a compris que l’étendu des possibilités en vocal était encore assez restreinte. Il faut dire les choses d’une certaine façon très précise pour obtenir ce qu’on veut, les commandes vocales ne sont pas encore formulables de façon naturelle.
Il y a cependant eu dernièrement des initiatives intéressantes sur l’assistant vocal d’Amazon Alexa, comme “France Bleu Foot”, pour suivre en direct n’importe quel match de ligue 1 avec les commentaires supportant l’équipe de son choix.
La BBC, quant à elle, travaille sur son propre assistant vocal, “Beeb”.
À noter qu’en France, hors flashs d’actualités (“flashs briefing”, “sources d’actualités Google”), on ne peut toujours pas simplement écouter un podcast via Google Assistant. Aux Etats Unis, cela fonctionne en passant par Google Podcasts.
Trouver du sens aux contenus audio : le prochain emballement médiatique
Google intègre de mieux en mieux les podcasts au sein de ses résultats de recherche.
Mais le référencement reste la plus grosse problématique de l’audio aujourd’hui. Le VEO (Voice Engine Optimization) et le SEO audio vont devenir de véritables enjeux pour améliorer l’usage sur les assistants vocaux notamment.
Il devrait y avoir un véritable emballement sur les sujets du speech-to-text et la façon de décrire les épisodes de son podcast pour gagner en visibilité sur le web.
Apple et Google commencent à utiliser ces techniques pour leurs résultats de recherche dans leurs applications de podcasts respectives.
Technologies au stade embryonnaire
Premièrement l’Object Based Media, l’idée de pouvoir écouter des contenus radio en sélectionnant les éléments de son choix : ambiance sonore, choix de la qualité selon sa bande passante, son 3D, etc.
Ce projet est toujours au stade de R&D du côté de la BBC.
Deuxièmement, le secteur radiophonique devrait être impacté d’ici 5–10 ans par l’économie du web décentralisé. Les applications blockchains pour les médias sont encore très expérimentales, mais j’aime bien citer l’exemple de Podcrypt qui rémunère les producteurs de podcasts en cryptomonnaie selon les temps d’écoute d’auditeurs.
La blockchain et la tokenization au service des radios est un sujet complexe. Mais il est utile de s’y intéresser un peu aujourd’hui pour éviter d’être surpris demain.
Podcast “Des Ondes Vocast“
Cet article a été rédigé en complément de l’épisode “Rentrée Time” (S02E01) du podcast “Des Ondes Vocast”.
Podcast à écouter sur le site web de Vocast, Apple Podcasts, Google Podcasts, Spotify, Deezer, TuneIn ou sur n’importe quelle autre plateforme de podcasts (via ce lien RSS).