Quel(s) futur(s) pour la diffusion des médias ?

Anthony Gourraud
6 min readApr 27, 2020
Le groupe NextRadioTV opère une stratégie intéressante sur la distribution de ses contenus ; comme par exemple avec l’émission “Les Grandes Gueules”, proposée à la TV, en radio, ainsi que sur les plateformes de streaming audio et vidéo

La démocratisation des consommations de contenus via les canaux numériques impactent petit à petit la diffusion des médias. Les frontières séparant la radio, la télévision et la presse sont de plus en plus floues.
Sous quelles formes présenter les médias de demain ? Comment s’y prendre pour rester rentable, malgré ces mutations ? Quels exemples suivre ?

Un entretien sur le sujet avec Fabrice Gauthier (directeur général de Broadcast Associés) est disponible en audio, au sein du podcast Des Ondes Vocast Premium. Vous pouvez également retrouver un lien de lecture en fin de page.

Stratégie “média global” : diffuser un contenu sous plusieurs formes, sur plusieurs canaux

S’adapter à tous les contextes de consommation

Tout dépend de la cible que l’on souhaite adresser et du contenu qu’on y apporte, mais l’idéal est de créer quelque chose qui peut être à la fois :

  • écouté sans avoir nécessairement besoin de regarder quoi que ce soit
  • visionné même sans son
  • disponible sous forme d’article pour être lu

Cela revient donc à proposer possiblement plusieurs productions, pour le même sujet. Les médias d’information en continu se rapprochent de plus en plus de ce modèle.

Des impacts sur la fabrication des contenus

Selon les cas, les écritures doivent être revues, et il faut donc parfois produire différemment pour alimenter les divers canaux.
Pour tout live, billet d’information, chronique ou émission, l’objectif optimal est d’avoir :

  • un article web optimisé pour le référencement
  • son équivalent en audio (et même distribué en RSS pour les contenus délinéarisés)
  • une vidéo associée, composée de textes et images d’illustrations
  • le tout adapté et publié sur les différents réseaux sociaux et différentes plateformes où l’audience se trouve…

Mais comment s’y prendre concrètement pour mettre en oeuvre cette stratégie de diffusion ? Il y a aujourd’hui des blocages technologiques, mais aussi des freins à cause de certains réflexes de fabrication… Cela est lié au fait qu’historiquement il y a toujours eu une différenciation entre les médias papier, vidéo et audio. D’un point de vue technique, tout comme d’un point de vue historique, c’est une révolution. Il y a toute une industrie et toute une économie qui vit avec une façon de fonctionner très précise. La transition permettant d’évoluer risque de prendre du temps, car il est difficile de faire changer les habitudes de professionnels ayant toujours travaillé d’une certaine façon pendant de nombreuses années.
Notons que les radios ont pris de l’avance depuis bien longtemps. Différentes stations ont commencé très tôt à filmer leurs émissions en studio, et même à rajouter des éléments graphiques pour se rapprocher des productions télévisuelles. Certaines ont même un site internet aussi riche de billets d’actualités qu’un organisme de presse en ligne.

La fin des médias unidirectionnels

Le temps où la logique médiatique tenait dans la notion “un émetteur vers des récepteurs” est aujourd’hui révolue. Chacun est son propre média, et l’audience cherche de plus en plus d’interactivité, plus de de collaboration.

Une audience plus dispersée… Et encore plus difficile à mesurer ?

L’approche autour du “média global”, c’est d’être partout
où l’audience peut se trouver. Mais quand les émissions sont en TV, à la radio et diffusées sur plusieurs plateformes propriétaires en parallèle, les éditeurs perdent aussi la maîtrise des métriques de performance.
En réalité, tout dépend de la stratégie de distribution. Si tous les contenus sont diffusés sur des canaux IP maîtrisés en interne (aucune passerelle extérieur), potentiellement les données d’audience peuvent être croisées et très complètes.
Il faut donc bien appréhender le ratio entre les avantages à diffuser sur une plateforme externe (Youtube, distribution RSS, etc.) et les pertes de données d’usage associées.
Certaines statistiques ne se combinent malheureusement pas, soit parce que les plateformes fournissent des indicateurs différents (Apple Podcasts calcule les appareils distincts, Spotify les utilisateurs connectées par exemple), soit parce que le canal de diffusion est lié à des métriques spécifiques au format (les durées d’écoute d’un podcast et durées de sessions d’un article ne sont pas forcément comparables ; les taux de complétion en revanche pourraient l’être).

L’enjeu principal des prochaines années : maîtriser la chaîne de distribution, de A à Z

Les contenants et les contenus au sein du même groupe

En France, un groupe a une approche très intéressante dans ce sens. Altice regroupe l’opérateur télécom SFR et le géant médiatique NextRadioTV.
Ce qui est malin, c’est que les boxs SFR permettent de donner des indicateurs d’audience en temps réel —certes incomplètes — concernant les chaînes de télévision BFMTV, RMC Découverte et RMC Story. Même si les chiffres obtenus n’ont pas réellement de valeur pour la marché publicitaire, les remontées d’usage peuvent permettre de comprendre plus facilement les comportements de consommation média, et ainsi adapter les programmations.
De plus, les chaînes peuvent être plus facilement distribuées quand elles passent par un opérateur du même groupe (exemple avec les chaînes payantes comme RMC Sport).

Diffusion tout-IP : est-ce nécessaire, est-ce risqué ?

Il n’y a pas spécialement de parti pris à avoir là dessus. La diffusion hertzienne a des qualités mais aussi des limites, tout comme Internet.
Et il ne faut pas confondre les géants d’Internet (“GAFAM”) et Internet dans son ensemble, surtout qu’il existe des moyens de garantir l’anonymat, de réduire les dépendances vis à vis des intermédiaires de diffusion. Et notons que de nombreuses initiatives tendent à construire un Internet de plus en plus décentralisé, résistant à la censure…
En revanche, c’est toujours important et nécessaire d’alerter le secteur sur les risques encourus dans le cas où celui-ci met tous ses œufs dans le même panier. Les médias jouent un rôle important dans une démocratie, c’est crucial de savoir les préserver.
Mais il est inconcevable de penser que ce sont les professionnels qui vont décider à la place des consommateurs. L’utilisateur final aura toujours le dernier mot.

La question de la viabilité économique

Des synergies profitables

Un bon gestionnaire est quelqu’un qui sait rationaliser les coûts. Et encore une fois, c’est ce que fait parfaitement le groupe NextRadioTV en mutualisant la fabrication des contenus et en plaçant les animateurs et chroniqueurs sur plusieurs chaînes à la fois.
La rentabilité s’opère au travers des mutualisations mais aussi en misant sur la diversité. Il est important d’apprendre des nouveaux métiers, d’explorer de nouveaux horizons, … et de trouver nouveaux moyens de générer des revenus notamment.

Diversifier, pour une meilleure rentabilité ?

Les médias ont encore plein de modèles à explorer, en créant du contenu de niche, en utilisant des briques technologiques permettant l’hyperciblage, et en profitant des mécanismes de contextualisation.
Mais notons que la presse et les plateformes vidéo ont compris que les formules avec abonnements sont plus profitables sur le long terme que la publicité ou le merchandising. La crise de Covid-19 a d’autant plus confirmé cette assertion, au vu des investissements marketing qui ont soudainement été fortement réduits. Est-ce qu’on peut imaginer un futur avec plus de flux et podcasts se basant sur ce modèle économique là ? Une offre analogue à SiriusXM aux USA n’a finalement jamais vu le jour en France. En Europe, il y a assez peu la culture du contenu payant, surtout en ce qui concerne l’audio. Parions que les mentalités vont petit à petit changer. Dans tous les cas, les médias ne peuvent plus se satisfaire d’une seule forme de revenus.

Des Ondes Vocast, le podcast sur le monde de la radio

Ceci est un article complémentaire au podcast “Des Ondes Vocast”. Des archives qui ont marqué la bande FM aux discussions autour des futurs possibles du média, le podcast “Des Ondes Vocast” est dédié aux passionnés de radio.

Lien de lecture pour écouter l’entretien sur le sujet du futur de la diffusion des médias, avec Fabrice Gauthier (directeur général de Broadcast Associés)

Contact : Twitter @AnthonyGourraud ou contact@vocast.fr

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Anthony Gourraud

DevRel @OKP4 — Blockchain engineer. Prev: Innovation media (radio/podcast) @Mediameeting & @DesOndesVocast