Laurent Berbon (Europe 1) | “Le Brief”, un journal qui va au-delà de l’écoute via les enceintes à commande vocale
Entretien avec Laurent Berbon, journaliste pour Europe 1.
Il est le responsable éditorial du nouveau format en podcast “Le Brief”, un journal conçu spécifiquement pour une écoute via les assistants vocaux.
Tous les jours de la semaine, on peut retrouver au fil des heures six flashs d’actualité avec un ton plutôt décalé mais qui reste sérieux. Les journaux sont très courts, environ 2 minutes, et sont assez décalés dans le sens où il y a quelques illustrations sonores extraits de films par exemple.MAJ : “Le Brief” ne sera plus poursuivi après le 31 juillet 2020.
A retrouver en bas de page : la version audio de cet article, issu du podcast Des Ondes Vocast.
Pourquoi avoir créé “Le Brief” ? Pourquoi un tel format, pourquoi ne pas s’appuyer sur les productions de l’antenne ?
Les équipes de la rédaction et du numérique, ainsi que la direction, analysent régulièrement ce qui se passe sur le marché des assistants vocaux, notamment aux Etats-Unis.
Nous avions repéré certains journaux avec des formats très intéressants, proposant une écriture et des sujets différents, tournés vers le quotidien.
C’est justement ce que nous voulions faire, sachant que ce n’est pas incompatible avec ce qui est produit à l’antenne.
La cadence de production et assez importante ; six flashs chaque jour de la semaine (7h, 8h, 12h, 17h, 18h et 20h) et un épisode “magazine” le weekend. Tu produis les trois journaux de la matinée… Comment est-ce que tu t’organises ?
J’arrive à la rédaction vers 5h. Le premier flash est à 7h. Même si ce n’est pas du direct, je l’enregistre et le publie quelques minutes avant 7h. J’ai donc deux heures pour voir ce qu’il s’est passé durant la nuit. Je regarde aussi du côté de l’antenne s’il y a des informations “maison” correspondant à notre format, tourné vers ce que recherche l’utilisateur de la commande vocale : des informations pratiques tournées vers le quotidien mais aussi les grandes actualités du jour.
Tu produis les épisodes le matin certes, mais tu es aussi le responsable éditorial du “Brief”. Tu gères une équipe de 4 personnes, c’est ça ?
Effectivement. Entre 8h30 et 11h, je change de casquette et je passe de journaliste à “chef de projet”. Je continue de garder un œil sur ce que fait la concurrence, je dresse un bilan de notre travail, et je prépare aussi le “Bref weekend”.
Sans oublier que je participe également à des réunions avec les équipes éditoriales et celles du numérique pour continuer à faire évoluer “le Brief”.
C’est insensé de tirer des conclusions dès maintenant mais, 5 mois après son lancement, quel premier bilan peux-tu faire ?
Le projet est encore relativement jeune. C’est toujours difficile de dresser un bilan mais en tout cas c’est un projet qui est très bien accueilli en interne. Ce podcast suscite beaucoup d’enthousiasme. Contrairement à ce qu’on aurait pu croire, il n’est pas perçu comme une menace par les personnes travaillant à l’antenne de la radio. On voit bien que c’est un produit qui est nouveau, mais qui s’écoute différemment de la radio traditionnelle.
En externe, nous avons reçu d’excellents retours. Le nombre de téléchargements est en constante hausse, donc je pense qu’il y a un vrai bouche à oreille qui s’opère.
Tu confirmes qu’il y a “150 000 écoutes par mois” ? Mais cela concerne la totalité des téléchargements, pas uniquement la diffusion via Alexa & l’Assistant Google ?
Oui, et c’est même plus il me semble maintenant. Nous avons d’abord pensé “assistants vocaux” mais il se trouve que “le Brief” est aussi disponible sur le web et sur les plateformes de podcasts. Et “le Brief” marche très bien en podcast. Finalement on se rend compte que c’est un journal qui va bien au-delà de l’écoute via les enceintes à commande vocale. C’est un contenu multi-plateformes, qui correspond à différents usages.
Mais précisément via les assistants vocaux, quels sont les chiffres d’audience ?
Je ne voudrais pas dire de bêtises mais l’écoute sur “enceintes connectées” est beaucoup plus confidentielle. L’essentiel de l’écoute se fait sur mobile, en podcast.
Mais cela peut aussi s’expliquer par le fait que contrairement au “Brief”, le flash de franceinfo a une position privilégiée sur Alexa et l’Assistant Google.
Nativement, le flash de franceinfo se lance lorsque l’on demande “d’écouter les actualités” à son enceinte Google Home ou Amazon Echo.
Pour les autres podcasts d’actualité, il faut effectivement, pour le moment, que l’utilisateur fasse les activations via le catalogue des skills / flash-briefing Alexa. Sur l’Assistant Google, l’auditeur doit aller dans les paramètres de l’application mobile, puis dans l’onglet “Services” → “Actualités” ajouter et ordonner à sa guise les sources d’actualité. Aujourd’hui, ces manipulations demandent un effort considérable pour l’utilisateur.
Google va bientôt proposer une nouvelle manière d’écouter les actualités via l’Assistant Google. Une sorte de radio personnalisée sera générée algorithmiquement (en fonction des intérêts de l’utilisateur). Peut-être que cela permettra d’y faciliter l’écoute du “Brief” ?
Nous avons de très bons rapports avec Amazon et Google. Nous commençons à monter des opérations ensemble pour mettre davantage en avant ce que nous produisons. Certes, nous sommes arrivés après franceinfo, mais je trouve qu’aujourd’hui nous proposons quelque chose de complètement différent.
Je remarque dans “le Brief” le fait que vous n’utilisez pas les éléments de marque d’Europe 1 comme l’habillage sonore. On a l’impression que vous avez cherché à créer une autre marque avec “le Brief”, est-ce volontaire ?
Absolument pas. Nous avons travaillé sur le générique avec les équipes antenne d’ailleurs pour que cela reste “Europe 1”, tout en marquant une différence du fait qu’on est sur un ton plus décalé.
Pourquoi la marque Europe 1 et pas Virgin par exemple (les deux radios appartenant au groupe Lagardère) ?
Si on regarde l’historique de la radio, Europe 1 a toujours été une radio qui a innové, un média qui a été précurseur sur plein de sujets. Avec “le Brief”, on est en total adéquation avec l’ADN d’Europe 1.
Y a-t-il des évolutions, ou même de nouveaux projets en cours autour du “Brief” ?
Depuis le départ nous pensons que c’est un projet qui est amené à évoluer. Nous attendons d’avoir un peu plus de visibilité sur les chiffres pour déterminer concrètement ce qu’il faut faire pour s’adapter au mieux aux usages des utilisateurs.
La stratégie de Google et Amazon, c’est d’aller vers une sorte de journal à la carte, vers un modèle de radio personnalisée. Nous commençons à imaginer des choses dans ce sens.
Il y a d’autres médias qui se sont lancés dans la création de flashs spécifiquement pour les assistants vocaux également : BFMTV, Capital, Le Parisien, … Certains ont stoppé l’expérimentation (comme BFMTV). Finalement est-ce que ce ne serait pas ça la force de la radio : proposer des contenus audios sur différents canaux (et ainsi, en plus de profiter d’une expertise sur le son, gagner en rentabilité) ?
Je pense que la force d’Europe 1 c’est à la fois son savoir-faire sur le son tout en pouvant continuer à penser différemment sur les usages.
La différence entre Europe 1 et des médias comme BFM sur ce genre de produit, c’est notre expérience historique dans la production sonore. Même si je dois le reconnaître : pour avoir écouté les journaux audios de BFMTV, je peux dire qu’ils étaient très bien ! Je trouve cela dommage d’arrêter, mais ça, c’est de la stratégie interne...
Est-ce que vous réfléchissez à un modèle économique derrière “le Brief” ? De la publicité ? Le format magazine du week-end avec du brand content ?
Nous avions discuté de ces sujets dès le lancement du projet. Nous nous sommes dit qu’il ne fallait pas mettre tout de suite de la publicité dans les oreilles des gens. Même si cela peut se faire d’une manière intelligente : quand on regarde du côté des États-Unis, il y a du sponsoring mis en place de façon très intéressante. C’est ce genre de choses que nous avons en tête, même si je ne sais pas si vraiment nous le ferons ou non. Du moment que la publicité ne dessert pas l’utilisateur, je n’y vois aucun inconvénient.
A réécouter en audio : podcast Des Ondes Vocast
Lien web de l’épisode : https://www.vocast.fr/desondes/s2e4.html
Des Ondes Vocast
Des archives qui ont marqué la bande FM aux discussions autour des futurs possibles du média, le podcast “Des Ondes Vocast” est dédié aux passionnés de radio.
Contact : Twitter @AnthonyGourraud ou contact@vocast.fr